Le futur des Eglises Wallonnes aux Pays-Bas

Aujourd’hui, nous allons réfléchir sur le futur des Eglises Wallonnes aux Pays-Bas. Avant de devenir concret, et de partager nos opinions sur les temples, les finances, l’organisation, je voudrais un instant (au début de notre journée de réflexion) poser la question : faut-il « faire Église » ? C’est quoi, en fait, une Église ? Peut-on la faire ?

Je veux commencer avec une réflexion sur la raison d’être de l’église. Pour une juste compréhension de ce qu’est l’Église, on peut recourir à une distinction classique entre. L’église comme évènement et l’église comme institution. 
En grec, ecclesiadésigne des gens qui ont été convoqués à une réunion. Pour les croyants, c’est Dieu qui nous convoque; pour nous l’Église est d’abord un événement divin, et ensuite seulement une institution humaine. Il ne faut pas inverser cet ordre.
Les Réformateurs l’ont beaucoup souligné. L’Église, d’après eux, advient quand la Parole de Dieu est proclamée : -sous la forme de la prédication et des sacrements, -dans la fidélité au message biblique de l’amour pour Dieu et pour le prochain. L’événement de l’Évangile annoncé et reçu précède l’institution « Église ». La source première et le but ultime de l’Évangile, c’est la foi. Et non la communauté ecclésiale. Et pourtant, nous voici ici aujourd’hui pour parler de nos communautés. De faire l’église ! De notre futur, en fait. Cela peut devenir une obsession, en ces temps de sécularisation. On doit trouver de nouveaux chemins pour faire l’église ! Sinon, on disparaitra ! On le répète avec une attitude pieuse, parfois culpabilisante. Que fait-on de mal? Pourquoi sommes-nous devenus si petit ? Que devenons nous changer ? Qu’allons-nous faire ? 
On pourrait presque oublier notre base protestante, un certain individualisme protestant, dont on peut être fier, et qui promeut la liberté et donc la responsabilité du croyant dans l’ordre du croire. 
Dans le magazine Réforme, j’ai lu un article d’un théologien dominicain, Dominique Collin, qui reproche à l’église de se présenter comme ‘un produit humain’. Or, dit-il, l’église n’est pas à faire. Mais à recevoir. Voilà une perspective d’un dominicain proche de la Réforme : car elle met l’accent sur le don de Dieu. Et non pas sur l’œuvre humaine. 
Quand le Nouveau Testament parle d’Églises, il s’agit de groupes précis, repérables, à Rome ou à Corinthe, à Éphèse ou à Jérusalem, par exemple. Les « paroisses » visibles et nombreuses, qui forment le christianisme institutionnel, sont relatives et défectueuses. Etcela dès le début ! Aucune infaillibilité, à leur base ou à leur sommet, ne les caractérise. 

N’idéalisons donc pas nos Églises ! On y trouve de tout, dans les Églises. Même dans les Églises Wallonnes. Aucune Église n’est parfaite. Et ne l’a jamais été. Et aujourd’hui non plus on n’atteindra pas la perfection : le modèle parfait. Pourtant, Dieu merci, il y a aussi en nos Églises autre chose, dans chaque Église, ce qu’on appelle « l’Église invisible ». Cette expression n’est pas biblique, mais elle est issue de notre tradition Calviniste. Les Réformateurs l’ont utilisée pour dire que l’Église de Dieu n’est pas enfermée dans les communautés visibles, et ne se confond pas avec elles. Il y a une parole, une présence, une action, une force, qui se manifeste et agit certes dans les Églises visibles (non pas toujours), mais aussi ailleurs, parfois chez des laïcs ou des fidèles d’autres cultes. Tout ce qui contribue à faire avancer ou à construire la justice et la paix en relève.
Cette Église n’est pas une institution. Ce n’est pas nous qui la faisons. Quand les Églises visibles (comme nos Églises Wallonnes) aident des hommes et des femmes à trouver du sens, et à cheminer vers le royaume de Dieu, sans pour cela les annexer, elles témoignent alors de l’Église invisible. Elles la trahissent et la déforment quand, s’accordant à elles-mêmes une importance indue, elles prétendent être la source et le but d’une vie authentique. Elles sont fidèles à leur vocation, si elles se savent secondes et secondaires, dépendantes de l’action de Dieu, au service de sa parole. Et de l’humanité qui les déborde largement.

Plutôt qu’à « faire Église », qu’on nous encourage (avant tout !) à entendre et à pratiquer l’Évangile dans notre monde, et dans notre temps. Et qu’on le fasse dans la conviction, que notre monde actuel a besoin d’une église, visible et non. Et besoin de notre message de paix, de pardon, d’amour. Que nos Églises Wallonnes témoignent de l’Égliseinvisible, au service de Dieu et de l’humanité.